M.Olivier Piou – Président de Gemalto
Il reste peu de temps pour agir, voici le message que les industriels incarnés par Olivier PIOU de GEMALTO adressent aux pouvoirs publics à l’occasion des assises de la confiance numérique organisées à Bercy le 16 juin par la FNTC.
Le constat est inquiétant, alors que les usages vont croissant, nous assistons à une érosion de la confiance dans le numérique, déclare M. Cyril Zimmerman, Président de l’ACSEL (Association de l’Economie Numérique). Avec 551 millions d’identités volées en 2013, le capital de confiance dans l’économie numérique est mis à mal avec des retombées sur l’économie en général. Isabelle Falque- Pierrotin, Présidente de la CNIL, alerte aussi l’assistance sur l’augmentation de la violation des données (+62%) et insiste sur les trois piliers de la confiance numérique : la sécurité d’abord mais aussi la transparence que constitue l’affichage des référentiels comme se propose de le faire l’Europe avec la publication des listes de confiance (TSL) et la certification qui aussi doit être transparente pour l’utilisateur ; enfin le troisième pilier est constitué par la confiance-coopération qui voit l’émergence d’une nouvelle économie dite participative ou « share economy » qui vient modifier le paradigme du traditionnel B2B pour lui substituer le modèle B4B lisez « business for business » fondé sur la reconnaissance mutuelle des communautés d’internautes ou chacun détient les clés de la confiance sans laquelle rien n’est possible. Des modèles tels que Airbnb, Yerdle.com ou LYFT.me ou plus près de nous, BlaBlacar nous viennent à l’esprit.
Emergence d’un modèle européen alternatif
Dans un contexte ou les géants le l’internet, les GAFA « Google Apple Facebook Amazon » délivrent de l’identité à tour de bras et se préoccupent du respect des données personnelles comme d’une guigne « La vie privée n’est qu’une anomalie » selon Vince Cerf de Google ; il est urgent de bâtir un modèle alternatif qui puisse faire le poids dans le jeu International. L’Europe pourrait constituer l’ultime rempart contre un système fortement invasif via les réseaux sociaux. M. Gérard GALLER de la Commission Européenne annonce que le réglement e-IDAS qui porte sur les moyens électroniques d’identification, d’authentification et de signature sera transmis le 2 juillet au Parlement pour un vote au plus tard en octobre. Avec ce dispositif qui vient écraser les lois Nationales contradictoires au principe d’une reconnaissance mutuelle des opérateurs au sein de l’Union, nous voyons apparaitre un modèle alternatif, régulé par le pouvoir régalien de la puissance publique de chaque Etat et qui se montre en définitive plus protecteur et sure pour les opérateurs qu’un modèle non régulé où l’internaute se trouve exposé à la jungle du Net. Comme « l’église au centre du village », il est grand temps que les Etats remettent l’identité numérique au cœur de l’espace citoyen.
Mme Claire Levallois-Barth de TELECOM PARITECH évoquant, l’échec de la carte d’identité numérique Nationale (e-CNI) censurée en première lecture par le Conseil Constitutionnel en mars 2012 sur le fondement que les garanties qui entouraient la gestion des fichiers n’étaient pas suffisantes ; souligne que l’autorité n’en a pas moins estimé que le projet d’identité numérique s’avérait tout à fait justifié. Mme Carole Pellegrino de MORPHO représentant l’Alliance pour la Confiance Numérique (ACN) parle au nom des industriels et défend elle aussi un modèle régulé par l’Etat sans quoi le marché risque fort d’être littéralement préempté par des opérateurs privés. Faisant écho à ces propos M. Olivier PIOU, Président de GEMALTO leader mondial de la carte à puce, pousse un cri d’alarme, que l’on pourrait résumer à « Cessons de disserter et prenons les choses en mains » . L’orgueil de vouloir tout réinventer en France tue l’action et menace notre leadership (GEMALTO réalise 96% de son chiffre d’affaires à l’International). S’adressant directement aux pouvoirs publics, M. PIOU souligne qu’il reste peu de temps pour agir, sans quoi notre monde numérique rêvé n’arrivera pas…
Mme. Axelle LEMAIRE, Secrétaire d’Etat chargée du numérique, récemment nommée, conclura ces assises en évoquant un nouveau monde fait de menaces qui impose la création de nouvelles règles. Résumant son plan d’action en trois points : renforcer le rôle des intermédiaires de confiance (tiers de confiance) dans la représentation de la société civile ; sur le plan technique la volonté de soutenir une filière reposant sur les technologies de confiance déclinée en trois volets, cyber sécurité, cloud et big-data et la mise en œuvre indispensable des standards (on pense aux travaux du CEN, CEN ELEC et de l’ETSI) sans lesquels l’internationalisation de nos technologies est impossible ; Enfin des mesures sociétales d’accompagnement qui visent à encourager les technologies de protection de la vie privée et la sensibilisation d’une société civile encore trop peu informée. A suivre…