Le gouvernement Ayrault annonce le premier train de mesures du choc de simplification et vise en premier lieu la « rationalisation » de la politique des achats publics en regroupant plusieurs agences. Objectif, 2 milliards d’Euros d’économies pour la sphère Etat et 900 millions pour les hôpitaux . Ce n’est pas nouveau, d’autres gouvernements s’y sont essayés avec plus ou moins de bonheur. Le regroupement d’agences se traduisant par une massification des achats, peut-il a lui seul produire un tel résultat sans des mesures de refonte des politiques d’achats ?
En matière de réforme, d’autres pays ont pris les devants et comme toujours les petites nations donnent souvent l’exemple. Le cas Ecossais est de ce point de vue assez édifiant. Avec un volume d’achat public d’environ 12 milliards d’Euros pour un PIB de 153 Milliards d’Euros, la commande publique est devenue en 1998 une prérogative du gouvernement Ecossais par acte de « dévolution » du parlement Britannique, le « Scotland act ».
Ne devant plus aucun compte à Londres pour ses achats, le gouvernement écossais s’est aussitôt attelé à la tâche consistant à démontrer qu’il est possible de faire des économies dans l’achat public tout en ouvrant largement l’accès des PME aux contrats publics.
« the procurement journey » ou le parcours du combattant
Constatant que la procédure d’achat, est souvent un long parcours du combattant pour lesrentreprises qui boudent les appels d’offres faute de temps. Le gouvernement écossais a lancé avant l’heure son « choc de simplification » par une réforme qui prend en compte le cycle complet des achats et qui s’attache moins au formalisme qu’à rendre l’achat économique.
L’approche consistant à considérer le cycle d’achat complet comme un processus unifié et continu, quelque soit la procédure utilisée, permet de libérer l’acheteur des entraves procédurales et le développement d’une véritable stratégie d’achat forcément plus efficiente.
L’acheteur dispose de tous les moyens électroniques, portail fournisseurs, catalogues électroniques, procédures largement dématérialisées, enchères, e-procurement et ouverture sur l’Europe avec PEPPOL (l’Ecosse exporte plus du tiers de son PIB). « The procurement journey » littéralement le parcours d’achat, présente trois zones :
- ZONE A « stratégie achat et évaluation des fournisseurs »
- ZONE B « passation et évaluation des offres »
- ZONE C « contractualisation ».
Ce parcours unique permet de traiter toutes les procédures dans le respect des règles de la commande publique, depuis la simple demande de devis (en dessous des seuils) jusqu’à la procédure d’appel d’offres ouvert ou restreint ; d’ouvrir la commande publique à de nouveaux fournisseurs en autorisant un référencement gratuit de leurs catalogues sur le portail des achats, de simplifier la procédure d’attribution et la contractualisation par voie électronique.
Augmentation significative de la proportion de PME dans les contrats publics
En proposant aux fournisseurs une plateforme unique leur permettant de mettre à jour leur offre de produits ou de services et d’entrer en contact avec l’ensemble des administrations et les 55 000 acheteurs publics écossais, l’Ecosse simplifie l’accès à la commande publique. Les entreprises ont désormais accès à l’ensemble des marchés à partir d’un guichet unique qui traite l’ensemble du cycle d’achat jusqu’à la notification électronique.
Alastair MERRYL , Directeur commercial des achats auprès du gouvernement constate que cette réforme aura permis au final de réaliser près de 1.5 milliards d’Euros d’économies provoquant des changements drastiques dans toute la chaîne d’approvisionnement et cela au bénéfice de l’ensemble de la communauté. Avec plus de 62 000 entreprises inscrites sur un seul portail, la part des contrats attribués aux PME a considérablement augmentée, de l’ordre de 10% sur 2 ans représentant 45% en valeur et 75% en volume.
Sans réforme de fond de notre commande publique, il est à craindre que l’onde de choc soit finalement faiblement ressentie par nos institutions. Notre proposition serait même de ne faire qu’une, la double réforme du choc de simplification, en élaguant dans notre commande publique comme le gouvernement se propose de le faire dans les normes et cela avant même d’envisager un regroupement de nos agences et services des achats. Le cas écossais est une bonne illustration de ce qu’il est possible de faire. C’est même le propos de la nouvelle directive qui en limitant le nombre de procédures et en favorisant le recours à de nouvelles techniques d’acquisition, ne prône rien de moins qu’une simplification des règles.
Thierry AMADIEU, le 3 mars 2013